Délégation académique au numérique éducatif

Tablettes et ressources numériques

16 / 04 / 2012

Journée académique de la Documentation
Académie de Paris - Jeudi 12 avril 2012
Lycée Louis le Grand

Elie Allouche
Directeur adjoint du CRDP de Créteil chargé des TICE
Directeur du Cddp94

Tablettes et ressources numériques :

état des usages et perspectives

En seulement deux années d’années d’existence, la tablette numérique a déjà soulevé de nombreuses interrogations sur les évolutions possibles de l’environnement de travail documentaire et éducatif. Scientifiques et pédagogues s’interrogent légitimement sur la place qu’elle est appelée à occuper dans les écoles et les espaces de documentation.

Voir par exemple les réflexions de François Guitté et de Bruno Devauchelle : http://www.francoisguite.com/2010/07/ipad-a-l%E2%80%99ecole-avantages-et-inconvenients/

http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=1001

Chaque acteur ou observateur perçoit, sans toujours une très grande netteté et souvent faute de recul ou d’information, que la tablette est appelée à devenir un instrument de travail prédominant tout en percevant aussi que les nombreux obstacles pour qu’il se déploie massivement (son coût n’étant que l’un d’entre eux).

Pour rester informé sur l’évolution des usages, le suivi des expérimentations et l’avis des chercheurs, nous renvoyons au site de l’Agence nationale des usages TICE : http://www.cndp.fr/agence-usages-tice/que-dit-la-recherche/les-tablettes-tactiles-dans-l%E2%80%99enseignement-premieres-etudes-49.htm

Cette présentation, qui propose de faire un point d’étape sur la question des ressources numériques sur les tablettes, s’articule en trois parties :

1. Tablette et nouvel environnement de travail scolaire

2. Tablettes et typologies d’usages

3. Une offre en ressources à structurer


1. Tablette et nouvel environnement de travail scolaire

La tablette s’apparente à trois objets :

• l’ardoise ;

• le livre (ou la bibliothèque) ;

• la fenêtre (par l’ouverture sur le monde qu’elle permet).

Outil à la fois innovant et familier, elle joue donc sur certaines représentations culturelles tout en bouleversant, par sa maniabilité, sa connectivité (sous réserve d’une connexion wifi encore problématique dans les écoles) et son nomadisme, les pratiques d’accès aux médias et aux ressources.

Malgré une simplicité apparente, il faut aux enseignants qui l’utilisent en classe ou au CDI un temps de prise en main pour en exploiter toutes les potentialités. L’outil ne deviendra ensuite "instrument" (au sens que lui confère par exemple Eric Bruillard) que lorsqu’il sera pleinement intégré à la démarche didactique de l’enseignant et à l’environnement de travail de la classe.

Cependant, le fait qu’il donne accès à une infinité d’informations et de ressources, ne signifie nullement qu’il suffise à lui seul pour que les élèves en tirent profit dans leur apprentissage. En effet, on sait que l’intégration des technologies numériques rend la médiation du pédagogue plus nécessaire que jamais à condition que celles-ci soient pleinement intégrées à sa formation.

Cette intégration peut d’ailleurs être l’une des façons de résoudre le "choc des temporalités" (temps très court des technologies, moyen des décideurs politiques et long de l’institution scolaire).

La richesse des contenus et des usages possibles ne signifie pas non plus que l’intégration de la tablette devienne forcément synonyme d’innovation pédagogique ni de réussite scolaire, faute d’une vue systémique accompagnant l’intégration des TIC dans l’éducation (« Programmes d’enseignement, recrutement et formation des enseignants, temps et lieux scolaires sont, entre autres, les variables sur lesquelles il conviendrait de jouer. » http://blogs.univ-poitiers.fr/jf-cerisier/2012/04/10/rapport-fourgous-quatre-premisses-fausses-et-un-biais-methodologique/ ).

2. Tablettes et typologies d’usages

Le développement des TICE se traduit par la nécessité d’instituer des compétences spécifiques sur le traitement de l’information et la communication et une nouvelle médiation documentaire numérique (http://mediationdoc.enssib.fr/lire-en-ligne ).

L’observation de séances de travail dans des CDI équipés de tablettes (Hauts-de-Seine, Limousin) révèle d’importantes potentialités d’usages (lecture de livres numériques, de la presse en ligne, exercices fondés sur la complémentarité fonds papier/ressources numériques, etc.) mais aussi une crainte de détérioration matérielle et d’usages déviants.

Pour y répondre, il est possible de s’appuyer sur la compétence 4 du socle commun ou sur le PACIFI. http://eduscol.education.fr/numerique/actualites/veille-education-numerique/octobre-2010/parcours-formation-culture-information

De nombreuses "postures d’usages", dépendant du contexte pédagogique, de la maîtrise de l’outil et des ressources, sont observées. "Postures" car l’enseignant anime sa classe d’une toute autre façon, aussi bien dans sa posture physique que dans ses consignes (voir par exemple cette séance dans le premier degré filmée dans l’académie de Créteil en 2011 : http://www.ludovia.com/news-1141.html ).

Nous observons que la tablette peut être à la fois :

• Pupitre : suivre le cours, prendre des notes

• Livre : lecture cursive Kiosque : consultation interactive des médias d’information, des réseaux sociaux Instrument de consultation en travail de groupe

• Instrument d’écoute/de consultation multimédia : audio, vidéo

• Instrument de capture multimédia : audio, vidéo

• Instrument de production de ressources/de travail en atelier

• Table de jeu (et ludothèque)

• Télécommande

• Boîtier de vote

• Instrument communicant : voix sur IP, visio, web conférence etc.

Ces postures d’usages s’appuient la plupart du temps sur un patient repérage par les enseignants expérimentateurs d’applications logicielles et autres ressources qui permettent d’en exploiter toutes les potentialités. Mais force est de constater que l’offre en ressources sur les tablettes est foisonnante et difficile à maîtriser.

3. Une offre en ressources à structurer

Notons d’abord que la question des ressources sur les tablettes est à replacer dans un contexte plus large qui est celui de l’accès aux ressources numériques à l’ère du numérique, de l’interconnexion et de la mobilité.

Trois enjeux sont observés, qui dépassent donc la seule question des tablettes. Deux enjeux majeurs de moyen terme :

1) La ressource doit passer à « l’âge de l’élève ».

L’élève ne doit plus être seulement spectateur mais manipuler lui-même directement les ressources numériques (accès, lecture, traitement, interaction, échanges...).

2) La nécessaire réinvention d’un « patrimoine pédagogique » à l’ère du numérique, de la mobilité et du « cloud computing ».

L’accès universel aux ressources oblige à réinventer les temps et lieux de l’école, mais les technologies de l’informatique en nuage ne doivent déboucher pour les acteurs du système éducatif ni sur une précarisation ni sur un risque d’expropriation des données utilisées ou produites.

Réinventer un patrimoine et une pérennité des ressources scolaires suppose donc des initiatives publiques fortes et stratégiques.

Un enjeu majeur de long terme :

3) La « rematérialisation du livre scolaire »

Issu d’une institution, l’Ecole, fondée sur le livre, le manuel scolaire est en pleine mutation, voire en pleine crise de légitimité (P.Moeglin).

On parle ici de "rematérialisation" (B.Latour, 2009) car le numérique a pour effet de redistribuer, de rematérialiser des fonctions autrefois remplies par un seul et même objet, ici le livre dans le contexte scolaire (http://www.dailymotion.com/video/xctbw0_bruno-latour-fr_creation ).

Si on liste l’ensemble des fondements pédagogiques et maintenant numériques du manuel scolaire à l’ère du numérique, on se rend compte que la "mutation numérique" du manuel peut suivre deux voies potentiellement divergentes : l’éclatement en de multiples services ou objets ou la réinvention sur un nouveau support, qui peut être la tablette. (http://www.educavox.fr/Quels-sont-les-fondements-du ).

Pour compléter ce tableau, notons que les initiatives récentes du principal constructeur ont déjà commencé à changer la donne, en permettant aux professeurs de produire leurs propres manuels à partir d’un logiciel, iBooks Author, à la réserve près que ceux-ci ne sont pour l’instant lisibles sur ses seules tablettes.

L’équipement en tablettes de certaines écoles au Canada incite par ailleurs les éditeurs à adapter leur stratégie en rendant leurs manuels accessibles sur ces supports (http://www.lesaffaires.com/archives/generale/apple-bouleverse-l-industrie-du-livre-scolaire/543162 ).

Pour autant, cette mutation en cours ne débouche pas pour l’heure sur la stabilisation d’une nouvelle offre en phase avec les potentialités des technologies numériques, qui supposent une interopérabilité, une ouverture et une circulation des contenus peu compatibles avec la chaîne éditoriale traditionnelle ou avec l’intérêt des constructeurs dominants.

Un exemple de perspective : référencement pédagogique et médiathèque numérique

En effet, sur les tablettes ce déphasage voire cette inadaptation deviennent d’autant plus flagrants avec l’instauration d’ « écosystèmes » déployés par les deux systèmes concurrents qui ont chacun leur « store » (boutique dédiée à la vente d’applications : Android Market et iTunes store) et dont l’affichage des contenus éducatifs ne répond que rarement aux attentes des enseignants.

Les ressources pédagogiques sur tablettes se divisent grossièrement en quatre grandes catégories : ressources de type site web, applications (gratuites ou payantes, accessibles via les "stores"), livres numériques (gratuits ou payants, accessibles via un "store librairie" spécifique), fichiers de podcast (comme ceux accessibles sur la plateforme iTunes Université).

Pour offrir une meilleure lisibilité et une meilleure adéquation avec les exigences scolaires, un référencement distinct des ressources disponibles sur tablettes est désormais proposé par certaines académies. Ainsi l’académie de Créteil propose une interface de référencement, l’Edumarket, et une application, la médiathèque numérique embarquée, qui joue le rôle de portail fédéré donnant accès aux ressources numériques multisupports aussi bien sur ordinateurs que sur terminaux mobiles (ordiphones, tablettes).

Cette initiative répond ainsi au souhait formulé au printemps 2011 sur « la nécessité de réfléchir à une bibliothèque de référence pour accompagner et offrir un cadre solide au travail de l’élève » (http://blog.crdp-versailles.fr/mncddp92/index.php/post/28/06/2011/O%C3%B9-en-sont-les-manuels-num%C3%A9riques-%28juin-2011%29 ).


Veille et ressources en ligne

Témoignage et article sur l’Agence nationale des usages

http://www.cndp.fr/agence-usages-tice/temoignages/utilisation-de-tablettes-tactiles-en-primaire-1184.htm

http://www.cndp.fr/agence-usages-tice/que-dit-la-recherche/les-tablettes-tactiles-dans-l%E2%80%99enseignement-premieres-etudes-49.htm

Créteil Edumarket

http://edumarket.crdp-creteil.fr/

iPad tablettes du Cddp92

http://www.cddp92.ac-versailles.fr/tablettes-numeriques/

iPad Limousin http://ipad.crdp-limousin.fr/

Scoop it de Franck Dubois

http://www.scoop.it/t/tablettes-numeriques

Actes du colloque écriTech’3 2012 – La tablette numérique, nouvelle ardoise de l’élève ? http://www.ecriture-technologie.com/?page_id=1784