Délégation académique au numérique éducatif

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Espace Numérique de Travail (ENT). Rencontre avec… M. Olivier Vella, professeur des écoles à l’école Marcel Pagnol de Pontault-Combault (77).

Article mis à jour le 29 juin 2023

Comment vous est venue l’idée d’utiliser un ENT avec votre classe de CM2 ?

L’école Marcel Pagnol a accepté la proposition de l’inspection académique pour jouer, à l’instar d’autres écoles de la circonscription, le rôle de classe pilote pour expérimenter l’usage d’un Espace Numérique de Travail.

Quelles étaient vos motivations pour accepter d’initier ce genre d’expérimentation ?

D’abord, l’envie d’innover, d’enseigner autrement, de découvrir de nouvelles choses avec les élèves. Ensuite, comme je savais que tous les élèves avaient accès à Internet à leur domicile, j’ai pensé qu’ils étaient prêts pour ce genre d’expérimentation. Alors quand la proposition m’a été faite, il y a environ un an de cela, j’ai pensé que cela en valait la peine.

Quels objectifs vous êtes-vous fixé au départ de ce projet ?

Tout d’abord, initier les élèves au numérique sur le double plan pédagogique et éducatif. Sur le plan pédagogique d’abord, pour seconder le travail fait en classe. Cela m’aide à mieux gérer l’hétérogénéité des élèves sur le plan social. Il faut préciser que certains d’entre eux sont des jeunes arrivants qui nous viennent de pays étrangers, de sorte qu’ils ne maîtrisent pas très bien voire pas du tout la langue française (dans certains cas). Sur le plan éducatif ensuite, car je veux montrer aux élèves comment il est possible de faire un bon usage de la liberté et de la responsabilité, notamment apprendre à s’exprimer dans le respect de la loi et de la sécurité, pour eux-mêmes et pour leurs camarades.

Mais n’était-ce pas un peu risqué, précisément en raison de cette hétérogénéité sur le plan social dont vous venez de parler ?

Certes, cela n’était pas évident au départ. Mais en même temps, et paradoxalement, cette difficulté m’a paru pouvoir constituer un atout pour m’aider à gérer cette hétérogénéité. Car tous les documents déposés sur l’ENT sont distribués aux élèves sous la forme papier. L’ENT ne remplace pas les cahiers. En fait, il les seconde. Or, j’ai pu me rendre compte que cela pouvait être utile à certains élèves de pouvoir leur présenter un cours rangé, organisé, structuré sous une forme très visuelle et synoptique. Ainsi, lorsqu’ils révisent leurs leçons avec des tuteurs (la plupart du temps, il s’agit de membres des réseaux associatifs qui les aident, ou encore des personnes qui comprennent mieux le français), cela leur permet de comparer avec ce qu’ils ont noté dans leurs cahiers durant la classe. Ensuite, ils ont la possibilité de vérifier, de rectifier ou de compléter et, donc, de mieux assimiler le contenu des leçons. Cela les aide à progresser à leur rythme, grâce à un retour réflexif sur ce qui s’est passé dans la journée, au calme et avec une aide personnalisée. Il faut insister sur le fait que, pour des raisons diverses, évidentes et fort compréhensibles, certains d’entre eux manquent encore beaucoup d’autonomie.

De manière générale, pour l’ensemble de la classe, quel intérêt pédagogique présente l’usage d’un ENT ?


Tout d’abord, et comme nous l’avons dit précédemment, tous les documents déposés sur l’ENT sont distribués aux élèves sous la forme papier. On peut aussi y trouver quelques informations complémentaires, à la manière de bonus. Ensuite, il y a toute la gamme des services proposés par l’ENT : le cahier de textes en ligne, le calendrier, le carnet de liaison, et la médiathèque. La médiathèque comprend les documents de classe (les contenus de cours, les listes de révision), et également des travaux et des photos que les élèves ont réalisés en rapport avec les activités faites en classe. En fait, l’ENT constitue un espace de stockage des informations. Les élèves ont également accès au thesaurus ; c’est une liste blanche de sites qui ont été présélectionnés et qui sont adaptés à leurs besoins. Et puis, il y la possibilité de créer une relation avec les élèves en dehors de la classe.


En quoi cela vous paraît-il important de créer une relation avec les élèves en dehors de la classe ? Vous ne craignez pas parfois des débordements ou des sollicitations intempestives ?


Ces inconvénients peuvent toujours se produire, bien sûr, et surtout si l’on n’a pas instauré des règles claires dès le départ. Mais c’est ce que j’ai fait avec les élèves et avec leurs parents, les unes a priori, les autres a posteriori, au fur et à mesure que nous avancions dans notre pratique commune. Ces règles de savoir-vivre étant clairement posées, je m’y tiens scrupuleusement et je veille à ce que tout le monde fasse de même.

Pourriez-vous nous dire en quoi consistent ces règles de savoir-vivre ?

Ces règles concernent plusieurs aspects de l’usage de l’ENT : les horaires, les délais de réponse, les contenus, ou encore la modération. Sur toutes ces questions, il me paraissait important de fixer des priorités. Par exemple, pour ce qui est des horaires, les élèves savent qu’ils peuvent m’adresser des messages jusqu’à 20 heures. Ce délai est impératif. Pour le week-end, je fixe un créneau ouvert le dimanche soir entre 19 heures et 20 heures. Je demande aux élèves de poser des questions d’ordre scolaire exclusivement, et lorsque je leur envoie mes réponses, je signe toujours « Le maître » pour bien rappeler le cadre et la finalité de nos échanges. Je veille également à bien leur inculquer la distinction entre la sphère publique et la sphère privée, un principe qui me semble fondamental pour avoir un usage sain et responsable du numérique. De même, j’explique aux enfants qu’il n’existe pas de « droit à l’oubli » sur Internet : une fois que les informations sont publiées, elles sont divulguées, enregistrées voire dupliquées. Dans le cadre de l’ENT, il existe bien sûr des règles de contrôle et de sécurité assez strictes. Mais on cela ne donne pas le droit de dire et d’écrire n’importe quoi. Les élèves sont assez sensibles à ces questions.

Assistons-nous à des nouvelles formes d’échanges entre l’école et la famille ?

Oui, d’une certaine manière. Je constate que cela nous permet d’avoir des rapports cordiaux en ligne entre l’enseignant, les élèves et les parents. D’une façon générale, j’invite les élèves et les parents à faire un bon usage de la zone de dialogue qui est proposée par l’interface de l’ENT. Ensuite, il est possible d’organiser le dialogue en fonction des besoins et des priorités, grâce à l’accès au site, qui requiert une identification et une authentification. Grâce aux icônes qui s’affichent, chacun peut se connecter à l’espace qui lui est dédié. Le dialogue peut donc s’établir entre les élèves (avec le maître qui joue son rôle de modérateur), entre les élèves et le maître, et également entre les parents et le maître. Néanmoins, il est clair que l’ENT ne vise pas à se substituer aux rapports humains. Certaines questions doivent être abordées directement avec les élèves et leurs parents. Simplement, l’ENT permet de mieux gérer l’ordre des priorités dans le traitement des questions. Enfin j’ai cru remarquer qu’il existait un écart entre les productions des élèves, selon qu’ils écrivent dans le cadre des activités scolaires ou sur l’ENT. On peut observer un certain changement de posture. Les élèves s’efforcent d’être très vigilants à l’orthographe et à la syntaxe notamment dans les travaux faits en classe. Mais quand ils rédigent des messages sur l’ENT, ils retrouvent une certaine forme de "spontanéité" si l’on peut dire. Au fond, c’est assez amusant : tout se passe comme si « d’élèves, ils redevenaient des enfants ».

Donc, vous ne regrettez pas de vous être lancé dans cette expérimentation avec vos élèves ?

Non, absolument pas. J’aime beaucoup cette façon de concilier les formes d’enseignement traditionnelles qui ont fait leurs preuves et les possibilités nouvelles qu’offrent les outils numérique. Il me paraît important que l’école soit ce lieu où les enfants apprennent, très jeunes, à découvrir et à maîtriser, de manière réfléchie et responsable, des outils numériques qui peuvent s’avérer très efficaces et très utiles s’ils sont convenablement utilisés.