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EPS et numérique à la lumière des neurosciences

Article mis à jour le 29 juin 2023

Pour la cinquième année consécutive, s’est tenu le 11 Mai 2017 le 5ème salon EPS et numérique, au centre de formation des Sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) de Créteil de l’Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne. Cette journée était organisée par le Groupe de Réflexion et d’Expérimentation Informatique Disciplinaire (GREID) d’éducation physique et sportive (EPS) de Créteil, sous la direction de Patrick Dumont, IA-IPR. Ce salon avait pour thème "le scénario pédagogique enrichi par le numérique", avec pour enjeu principal l’exploration des piliers de l’apprentissage au filtre des neurosciences et du numérique en EPS.

Le programme de ce salon était riche et diversifié ; en témoignaient son contenu, son organisation et son déroulement. Durant la matinée, en effet, les participants étaient invités à suivre une conférence consacrée aux apports des neurosciences dans l’enseignement de l’éducation physique et sportive. Ensuite, ils purent participer à des ateliers présentant les instruments et les ressources numériques utilisables dans les pratiques pédagogiques actives qui se développent dans cette discipline. Il est à noter que ces ateliers étaient organisés en correspondance avec les quatre piliers de l’apprentissage selon les neurosciences, à savoir : l’attention, l’engagement actif, le retour d’information et la consolidation des acquis (plus loin, nous reviendrons sur ce point décisif). Enfin, selon un axe très clair allant de la théorie à la pratique, l’après-midi fut entièrement consacrée la présentation de démonstrations conçues et réalisées par des enseignants d’EPS et des élèves de l’académie de Créteil ; sur ce point également, nous aurons l’occasion de revenir, car ces démonstrations nous éclairent sur le changement de posture de l’enseignant qu’induit la mise en oeuvre des pédagogies actives en général, en éducation physique et sportive en particulier.

Mais tout d’abord, revenons sur le sujet de la conférence donnée par Patrick Dumont, IA-IPR. Pour l’essentiel, il a soutenu l’hypothèse suivante : les récentes découvertes en neurosciences sur les mécanismes de l’apprentissage d’une part, et l’essor du numérique d’autre part, n’appellent-ils pas à repenser en profondeur la didactique et la pédagogie en éducation physique et sportive ? Ici, Patrick Dumont s’inspire des travaux de Stanislas Dehaene (Professeur au Collège de France, il est l’un des grands spécialistes de la psychologie cognitive expérimentale) qui définit ainsi les quatre piliers de l’apprentissage à la lumière des neurosciences : l’attention, l’engagement actif, le retour d’information et la consolidation des acquis. Ne serait-il pas intéressant et fécond, s’est demandé Patrick Dumont, de s’inspirer des neurosciences puis de chercher à recueillir des observations sur le terrain, en vue d’affiner, de consolider ou d’invalider les hypothèses des chercheurs ? Ne serait-ce pas l’opportunité d’impulser de nouvelles pratiques pédagogiques ? Et, dans cette hypothèse, les apports conceptuels des neurosciences ne requièrent-ils pas, pour être validés et admis, d’être préalablement soumis à des tests pratiques, à des vérifications expérimentales ? Ce qui implique alors que les enseignants d’éducation physique et sportive conçoivent de se mettre à l’écoute des savants, et qu’ils intègrent dans leur pratique pédagogique une démarche expérimentale. Dans cette optique, il apparaît que le numérique joue précisément un rôle déterminant, car il est en mesure d’apporter aux enseignants et aux élèves des moyens d’observation, de mesure et de quantification tout à fait inédits et irremplaçables.

Vidéos pédagogiques à l’appui, M. Patrick Dumont a montré comment l’attention opère à la façon d’un filtre dans le champ perceptif ; elle élimine effectivement ce qui n’est pas en rapport avec la tâche à accomplir. C’est pourquoi, explique-t-il, il faut donner aux élèves des consignes claires, ainsi que des indicateurs de progrès qui leur permettent de se focaliser sur un objectif spécifique, mesurable, atteignable, réaliste et dans un temps donné (notons qu’il s’agit là de l’un des principes fondamentaux du coaching, et ce n’est sans doute pas un hasard).

En outre, les neurosciences montrent toute l’importance de susciter l’engagement actif de l’élève dans le projet pédagogique qui structure et encadre son activité. Car la passivité ne permet pas d’apprendre. C’est pourquoi il importe de moduler la tâche à accomplir en fonction de la capacité de l’élève, afin de stimuler son engagement et son effort cognitif au cours de l’apprentissage.

D’où cette idée forte de permettre aux élèves de former des hypothèses collectivement, de les vérifier ensuite et, le cas échéant, de proposer des solutions nouvelles et efficaces. Ce n’est qu’à cette condition qu’ils peuvent tester leurs pouvoirs et tirer des leçons de leurs erreurs. Cette prise en compte du retour d’information (feedback) invite par conséquent à repenser le statut de l’erreur ; loin d’être purement négative, comme on le croit souvent, l’erreur est assumée au contraire comme un échec relatif et amendable. L’erreur est inévitable, nécessaire et féconde pour apprendre et tester ses connaissances, dès lors qu’elle est anticipée et mesurée.

Paradoxalement, il faut désapprendre pour apprendre, car dans le même temps, d’un côté, l’apprentissage induit dans le cerveau une multiplication des connexions neuronales et, d’un autre côté il en déconnecte beaucoup d’autres. Offrir à l’élève l’opportunité de chercher un autre chemin lui permet donc de s’approprier son savoir et de consolider les acquis de l’expérience et de la réflexion.

Patrick Dumont conclut ainsi sa conférence : « Les neurosciences nous apprennent à mettre l’élève au centre des apprentissages. En devenant acteur,l’élève enrichit son propre répertoire de compétences et développe sa capacité à résoudre les problèmes par ses propres moyens. Par la diversité des processus qu’il a mobilise, il devient au fil du temps plus autonome. L’enseignant doit donc concevoir, dans ce contexte,un environnement suffisamment riche et signifiant pour que l’élève s’engage activement et durablement dans les apprentissages scolaires ».

Patrick Dumont, IA-IPR et GREID EPS de Créteil

Ce bref résumé de la conférence donnée par Patrick Dumont ne permet pas d’en restituer toute la richesse démonstrative, mais seulement les grandes lignes. Vous pouvez néanmoins, chères lectrices et chers lecteurs, prendre connaissance du support de présentation conçu et utilisé par l’équipe du GREID EPS durant la conférence, à la fin du présent article. Et pour aller plus loin sur l’apport des neurosciences en didactique et en pédagogie, nous vous renvoyons aux travaux de Stanislas Dehaene auxquels M. Patrick Dumont s’est référé constamment.

Stanislas Dehaene, Professeur au Collège de France

Comme on le voit, la problématique abordée au cours de ce salon « EPS et numérique » est innovante et complexe, car elle articule les données de la recherche scientifique et celles de l’innovation par le numérique. Il apparaît clairement en effet que dans le recueil, l’exploitation et la conservation des données obtenues sur le terrain de la pédagogie, le numérique joue une rôle primordial.

Pelliet Arnaud, professeur d’EPS, Créteil

D’une part, le numérique permet aux élèves de développer et d’affiner des compétences importantes, notamment le jugement et l’autonomie. La possibilité offerte aux élèves de se filmer favorise un retour réflexif constant sur leurs activités. De ce fait, ils sont en mesure d’analyser leur comportement de l’extérieur (autoscopie) et, également, de percevoir la position des différentes parties du corps (proprioception). Par exemple, comment visualiser la position d’un corps projeté dans l’espace lors d’un saut ? Précisément, l’usage de caméras embarquées sur des tablettes tactiles permet aux élèves d’enregistrer leurs performances et, par la suite, d’apporter les corrections nécessaires dans leurs mouvements en vue de progresser.

Yoann Tomaszower, professeur d’EPS, Créteil

D’autre part, le numérique permet aux enseignants de changer de posture, laquelle s’apparente de plus en plus à celle des coachs. Libérés de certaines tâches répétitives que les logiciels numériques peuvent désormais prendre en charge, ils peuvent davantage investir leur énergie et leur talent de pédagogues dans l’accompagnement des élèves vers l’atteinte de leurs objectifs.

Fabrice Bruchon, professeur d’EPS, Créteil

Lors des ateliers du matin, consacrés à la présentation des ressources et des instruments numériques, puis lors des démonstrations « en live » durant toute l’après-midi, la démonstration a été faite de l’apport des logiciels et des instruments numériques. Ainsi, nous avons pu observer comment, grâce aux captations vidéo, les élèves parvenaient à aiguiser leur jugement et, également, à travailler en autonomie par rapport au professeur.

Il ne faudrait pas croire que l’usage de logiciels et d’instruments numériques est réservé à quelques geeks. De ce point de vue, il est possible d’énoncer quelques critères simples pour guider les enseignants dans l’intégration du numérique dans leur pratique, comme par exemple : la simplicité d’utilisation, l’autonomie des élèves, un coût modique. Plus largement, pour faciliter cette intégration du numérique en EPS, Patrick Dumont préconise de s’appuyer sur les paliers de maturité numérique .

Lacroix Sébastien, professeur d’EPS, Créteil

Ces paliers ont vocation à modéliser les usages des instruments et des ressources numériques. Là encore, les démonstrations « en live » de l’après-midi ont permis de vérifier l’intérêt et la pertinence de cette grille de lecture et d’évaluation, car celle-ci aide à déterminer à quelles conditions l’usage du numérique apporte - ou non - une réelle plus-value par rapport aux méthodes classiques. Ainsi, il existe depuis longtemps bien des techniques pour évaluer les postures corporelles et les performances athlétiques des élèves. Néanmoins, le fait d’être filmés et d’être confrontés au modèle numérique attendu les aide à se visualiser plus objectivement et, par conséquent, à travailler en pleine conscience et de façon spécifique pour progresser dans la bonne voie.

L’équipe du GREID EPS de Créteil

À ce propos, et pour conclure, nous rapportons une remarque très simple et très juste de Patrick Dumont : « Ce qu’il faut toujours avoir présent à l’esprit, c’est qu’il y a tout ce que les élèves peuvent apprendre sans le numérique, et il y a tout ce qu’ils ne peuvent apprendre qu’avec le numérique  ». En effet, tout l’enjeu du numérique éducatif se joue là.

Ce salon « EPS et numérique » fut assurément très riche en événements et en enseignements. Et nous adressons un grand bravo à la dream team du Greid EPS de Créteil pour son dynamisme et son implication dans le succès de ce 5ème salon « EPS et numérique ».

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