Développer l’expression écrite avec un agent conversationnel

L’une des applications les plus prometteuses de l’intelligence artificielle en éducation réside dans le développement des compétences en expression écrite. Grâce à des agents conversationnels, les élèves pratiquent la communication écrite dans un environnement interactif et dynamique. Ces outils d’IA simulent des échanges en temps réel, permettant aux apprenants d’enrichir leur vocabulaire, d’améliorer la structuration de leurs idées et de gagner en fluidité.

Les Greid expérimentent dans cette direction et soulignent comment ces outils favorisent une écriture plus libre, en offrant un cadre personnalisé et sans pression, idéal pour les élèves les plus réticents à s’exprimer dans un contexte classique.

Des outils comme Mizou, un agent conversationnel conçu pour s’intégrer dans des environnements d’apprentissage personnalisés, viennent enrichir cette approche en facilitant la phase de conditionnement de l’IA et en apportant des retours adaptés aux élèves voire des analyses exploitables pour les enseignants.

 Construire des scénarios d’apprentissage à l’aide de l’IA

L’association de la plateforme d’apprentissage Éléa à Nolej AI, un outil basé sur l’intelligence artificielle générative, ouvre de nouvelles perspectives pour la production et l’exploitation de contenus pédagogiques. À partir d’un support brut (une vidéo, une bande audio, un texte ou un document PDF), l’IA analyse et génère automatiquement une grande variété de ressources : vidéos chapitrées, quiz, flashcards, glossaire ou encore concepts clés annotés…

Cette approche permet non seulement de gagner un temps précieux dans la préparation des cours, mais aussi de diversifier les activités proposées aux élèves. Contrairement à des outils axés principalement sur la mémorisation, Nolej AI s’inscrit dans une logique d’enseignement explicite, couvrant l’ensemble des phases pédagogiques : modelage, pratique guidée, pratique autonome, consolidation et ouverture.

L’intégration des contenus générés dans la plateforme Éléa permet alors de créer des parcours d’apprentissage enrichis, différenciés et adaptés aux besoins individuels.

 Développer créativité et esprit critique avec l’IA en classe

En organisant en classe un débat comparant les réponses produites par l’IA et celles des élèves sur des questions ouvertes, les enseignants incitent les apprenants à analyser, comparer et argumenter. Cette activité permet de développer leur esprit critique, tout en les amenant à confronter leurs propres réflexions aux limites et aux possibilités offertes par l’intelligence artificielle.

Dans le cadre de la gestion de projet, on peut également demander aux élèves d’utiliser un outil d’IA pour générer une production finale, à partir d’un croquis par exemple en arts plastiques. Cette démarche favorise leur créativité, tout en les incitant à réfléchir à l’importance de la clarté dans la communication — ici à travers la rédaction de prompts précis pour interagir efficacement avec l’outil.

Il est également possible d’aborder l’impact de l’IA sur les pratiques professionnelles, par exemple, à travers une tâche simple de détourage numérique. Les élèves découvrent comment l’IA transforme les métiers et débattent des enjeux éthiques et des adaptations nécessaires face à ces évolutions.

Ces approches montrent que l’introduction de l’IA en classe va bien au-delà de la technique : elle offre des opportunités uniques pour développer des compétences clés, tout en sensibilisant les élèves aux défis et responsabilités liés à ces technologies.

 Favoriser l’engagement et l’inclusion grâce à des débats immersifs avec des personnages fictifs

L’utilisation d’une IA conversationnelle en classe offre de nombreuses opportunités pédagogiques. Avec des outils comme Character.ai, les élèves peuvent dialoguer avec des personnages fictifs ou créés par l’enseignant, enrichissant ainsi leurs compétences en communication et en analyse critique. L’activité consiste notamment à poser des questions, à vérifier la véracité des réponses obtenues grâce à des recherches et à confronter différentes perspectives, ce qui développe leur esprit critique et leurs capacités à croiser les sources.

Cette création de personnages fictifs et de scénarios engageants permet d’introduire ou approfondir une thématique, voire de consolider des acquis de manière ludique. Cette méthode favorise aussi l’inclusion, en s’adaptant au niveau linguistique des apprenants, notamment pour les élèves allophones.

Cette approche, au-delà de l’aspect technique, dynamise les cours, stimule la curiosité des élèves et les invite à interagir activement avec les contenus tout en prenant conscience des limites et des potentialités de l’intelligence artificielle.

 Gommer la technicité et rendre la création plus accessible

L’usage de l’intelligence artificielle en classe permet de simplifier les aspects techniques de certaines disciplines pour rendre la création plus accessible aux élèves. À l’aide d’outils basés sur l’IA, les enseignants peuvent faciliter la production d’œuvres « à la manière de » par les élèves, tout en encourageant la réflexion critique et le travail collaboratif.

Ces activités amènent les élèves à discuter des enjeux éthiques liés à l’utilisation de l’IA, comme la créativité authentique, le respect des droits d’auteur et l’impact potentiel sur les métiers. En intégrant ces discussions dans les apprentissages, on sensibilise les élèves aux bouleversements technologiques actuels tout en développant leurs compétences en création et en analyse.

 Innover dans le respect du RGP

L’utilisation de l’intelligence artificielle en éducation soulève des enjeux majeurs en matière de protection des données personnelles, notamment dans le cadre du RGPD. Actuellement, peu d’outils d’IA répondent pleinement aux exigences de ce cadre réglementaire, ce qui impose une vigilance accrue de la part des enseignants lors de leur utilisation par des élèves. Outre les données classiques collectées sur les utilisateurs, certains outils, comme ChatGPT, analysent également les conversations et les prompts pour des traitements ultérieurs. De plus, la complexité des politiques de gestion des données rend difficile, voire impossible pour un utilisateur, de comprendre pleinement les modalités d’utilisation de ses informations personnelles ou d’exercer ses droits.

Lors du séminaire, cette question fondamentale a été bien sûr abordée, notamment en pointant deux des outils utilisés. Selon Laurent Camus, Mizou se distingue par son strict respect du RGPD, garantissant une totale anonymisation des données saisies par les élèves et leur suppression immédiate. Cette approche, clairement stipulée dans ses conditions d’utilisation, est renforcée par des audits réguliers et une conformité avec les lois strictes de Floride. Contrairement à de nombreux outils d’IA qui exploitent les données collectées à des fins lucratives, Mizou adopte une démarche éthique similaire à celle de DuckDuckGo, un moteur de recherche réputé pour anonymiser les données des utilisateurs. Cela en fait un des rares outils garantissant une réelle protection des données en milieu éducatif.

Dans le cas de Character.ai, d’après Vincent Martini, bien que l’application soit théoriquement conçue pour minimiser la collecte des informations personnelles et effacer automatiquement les données sensibles sur demande, des incertitudes subsistent quant à la réelle application de ces principes. Cette zone d’ombre soulève des inquiétudes particulières dans un contexte éducatif, où la vigilance est de mise.

 Développer les compétences pour utiliser l’IA de manière pertinente

Paradoxalement, l’utilisation de l’IA en classe contribue à développer des compétences essentielles pour exploiter cet outil de manière pertinente et réfléchie à l’avenir.

Pour que les élèves utilisent l’intelligence artificielle de manière pertinente, il est essentiel de développer des compétences spécifiques adaptées aux disciplines et aux outils employés, dont :

• L’esprit critique : comprendre les biais potentiels des IA, qu’ils soient culturels, historiques ou liés à leur programmation, et les analyser pour distinguer les vérités des constructions artificielles.
• La créativité : utiliser l’IA comme un outil d’expérimentation pour créer, tester, et ajuster des productions en simplifiant les aspects techniques complexes, comme dans la musique ou les arts plastiques.
• La coopération : travailler en groupe pour interagir avec des outils d’IA, échanger des idées, et décider collectivement des réponses ou créations pertinentes.
• Les compétences analytiques : passer de l’expérimentation à une réflexion structurée, en étudiant les caractéristiques des productions pour en comprendre les spécificités et en tirer des enseignements.
• l’éthique : explorer les questions liées aux droits d’auteur, à la propriété intellectuelle, et aux implications des créations basées sur l’IA.

Ainsi, les enseignants doivent guider les élèves à devenir des utilisateurs conscients, capables de tirer parti de l’IA tout en réfléchissant aux enjeux sociétaux qu’elle soulève.

L’utilisation de l’IA en classe porte en elle un paradoxe stimulant : tout en développant des compétences pratiques pour exploiter cette technologie, elle pousse également les élèves à cultiver un regard critique sur ses limites, ses biais et ses implications éthiques. Ce double enjeu, entre maîtrise technique et réflexion éthique, les prépare à naviguer avec discernement dans un monde où la technologie, jamais neutre, joue un rôle central. En éducation, l’IA devient ainsi un levier non seulement pour apprendre, mais aussi pour comprendre et questionner le monde numérique qui nous entoure.