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Émotions et ancrage des apprentissages : l’exploration vidéoludique de l’Egypte Ancienne

Article mis à jour le 29 juin 2023

Vous enseignez l’histoire, l’anglais en collège. A quel moment la manette vient-elle s’inscrire sur la liste des fournitures scolaires ?

Guillaume Lescaut. Ce projet est né d’une réflexion personnelle, nourrie par la lecture de grands historiens  : Fernand Braudel, dans la Grammaire des civilisations ; Yvan Jablonka, dans L’histoire est une littérature contemporaine :

  • Le premier confie : « J’ai toujours prôné, pour les enfants, un récit simple, des images, des séries de télévision, du cinéma, soit en gros une histoire traditionnelle mais améliorée, adaptées aux médias dont les enfants ont l’habitude. »
  • Le second ajoute : “Réconcilier recherche et création, inventer des formes nouvelles pour incarner le savoir, moderniser les sciences sociales : ces propositions sont pour moi équivalentes [...] La professionnalisation des disciplines, continue depuis la fin du XIXe siècle, s’est traduite par un progrès en termes de méthode, mais par une régression en termes de forme, d’émotion et de plaisir. L’histoire [...] n’a pas appris grand-chose du roman moderne, du reportage, de la photographie, du cinéma, de la bande dessinée, et ce désintérêt n’est pas pour rien dans la fermeture qui menace aujourd’hui les sciences sociales [...]”

Forme, émotion et plaisir réinventés : ce sont bien là les maîtres mots de l’expérience vidéoludique. Mais à quel moment avez-vous décidé d’introduire les manettes ?

Maxime Barilleau. Nous avons saisi l’opportunité du dispositif “école ouverte” : sur le temps des vacances scolaires, les professeurs approfondissent leurs enseignements en explorant les voies d’un apprentissage ludifié. Sur deux journées, nous avons plongé avec douze élèves en immersion, en Egypte ancienne. Le lundi 8 juillet, après une présentation du projet, un échange sur les pratiques vidéoludiques des uns et des autres, et une discussion sur leurs représentations de l’Egypte antique, nous avons gagné la galerie des Antiquités Égyptiennes du Louvre. Munis d’un carnet d’explorateur, les apprenants ont pris le temps d’observer, de comprendre, d’interroger leurs propres représentations et d’écrire leur désir de quête. De retour à La Courneuve, ils s’engageaient dans une première séance vidéoludique, de 15h à 16h30. Le mardi 9 juillet, ils reprenaient leur quête, de 9h à 12h. Enfin, l’après midi était consacrée à l’impression des captures d’écran, leur commentaire et la préparation d’une restitution orale, publique.

Description textuelle
Sanjay, Mahdi et Eric explorent les chambres supérieures de la grande pyramide de Gizeh

Quels apprentissages présagiez-vous approfondir au détour d’une telle expérience ?

Guillaume Lescaut. Ces apprentissages sont multiples :

  • Se repérer dans l’espace d’un monde ouvert est une expérience extrêmement riche qu’il s’agisse de changer d’échelle, de la carte à la scène, ou de s’orienter sur une scène.
  • Observer, réaliser des captures d’écran pertinentes, au regard d’un questionnement initial, restituer à l’oral ces informations permet de pratiquer différents langages.
  • Mettre en relation les artefacts observés dans la galerie des Antiquités Égyptiennes du Louvre et les pratiques sociales dont ils sont les vecteurs dans le jeu ouvre les possibilités d’analyse et de compréhension.
  • Se projeter dans une démarche d’enquête exige de clarifier un questionnement, rechercher, exploiter et organiser une information foisonnante, souvent érudite.

La créativité du dispositif est donc gage d’une multiplicité d’apprentissages. Mais dans quelle mesure ce dispositif est-il ludique ?

Guillaume Lescaut. Ce dispositif combine trois dimensions motivationnelles : la démarche d’exploration, l’immersion et la présentation des résultats de recherche.

  • Sur le plan intellectuel, les apprenants se sont positionnés dans une démarche d’enquête. Plongés au coeur des mystères de l’Antiquité Égyptienne, ils apprennent à construire un questionnement. De retour du Louvre, ils hiérarchisent l’ordre des questions, mènent les investigations, réalisent des points d’étape toutes les demi-heures pour s’assurer de façon autonome de ne pas perdre leur questions initiales.
  • Sur le plan vidéoludique, chaque apprenant s’exerce à tour de rôle à incarner un stratège, à la manette ; un scribe, prenant en notes de manière synthétique les trouvailles réalisées ; et un général, commandant les captures d’écran.
  • Enfin, sur le plan de l’expression orale, les apprenants se sont prêtés au jeu d’une restitution en salle des professeurs, en présence de membres de l’administration et de CPE, curieux des résultats du projet.
Description textuelle
La momification en Egypte Ancienne : une enquête menée par Sanjay, Mahdi et Eric

Que diriez-vous à un enseignant qui souhaiterait se lancer dans l’aventure ?

Maxime Barrilleau. Contactez l’incubateur de la DANE :)

  • Aussitôt acceptée l’idée d’une exploration vidéoludique en Ecole Ouverte, nous nous sommes retrouvés dans une impasse technique : ordinateurs du parc pédagogique sous-dimensionnés, pare-feu empêchant de se connecter à des serveurs de jeux... Le service Premat de la DANE a mis à notre disposition 4 Xbox One S, accompagnées du Discovery Tour Egypte Ancienne , à la suite d’un partenariat noué avec l’éditeur du jeu, Ubisoft, et Microsoft France.
  • Nous l’encouragerions à lâcher prise. Nos apprenants ont eu pour premier réflexe de recopier un texte lu, sans pertinence avec leur quête. Des échanges qui s’en sont suivis, les apprenants ont admis que la difficulté du lexique employé, l’érudition de certains passages, le manque de compréhension général. Quel lien établir entre momification et embaumement ? Comment passer du "j’ai rien compris" à la reformulation du sens d’un document, négocié entre eux et avec l’enseignant.
  • Nous n’avons jamais été autant sollicités sur les grands questionnements sur l’Egypte ancienne, qu’en présence de ces consoles de jeu, ces écrans et ces guides virtuels. Pour contextualiser, aider à se repérer, interroger la pertinence des prises de notes. Rappelons que le projet s’est déroulé autour de quatre groupes de trois élèves pour deux professeurs accompagnateurs. On peut donc légitimement se demander de quelle façon se déroulerait un projet similaire élargi à une classe entière, composée de 24 élèves : à quelle fréquence le professeur, ou les professeurs dans des conditions optimales, serait sollicité.