Délégation académique au numérique éducatif

Paramètres d'accessibilté

Contraste
Police (dyslexie)
Interlignage

Une séance hybride : exemple d’un escape game à distance

Article mis à jour le 22 novembre 2023

En 2017, au collège du Fort de Sucy-en-Brie (94), des élèves de Troisième ont réalisé deux salles d’escape game au sein de leur établissement. Sous l’impulsion d’Audrey Dominique, professeure de Mathématiques, accompagnée de Sylvie Malenfant, professeure d’Anglais, ils ont imaginé les scénarios et les énigmes. Ils ont également pu réaliser les décors avec l’aide de Fabrice Dubuisson, l’ouvrier professionnel du collège. Le résultat est spectaculaire et n’a rien à envier aux escape rooms grand public. Quiconque y a passé une heure à relever les défis, témoignera de son émerveillement.

Chaque année, une cinquantaine d’élèves et d’adultes use de malice et de perspicacité pour résoudre les énigmes et déjouer les pièges inventés par les élèves. Les salles sont également utilisées lors des formations sur la création des escape games pédagogiques dans l’académie. En cette année de crise sanitaire, il était impossible d’assurer les stages en présentiel d’où l’idée de proposer une session à distance. Mais pas une transposition numérique du jeu physique, plutôt une activité en ligne utilisant en direct l’une des deux salles du collège. Une forme d’hybridation synchrone, avec des joueurs-acteurs dans l’escape room à Sucy-en-Brie et d’autres à distance devant l’écran de leur ordinateur.

Projet ambitieux ? Réalisation risquée tant d’un point de vue technique que de l’engagement des joueurs ? Pour en avoir le cœur net, il était nécessaire de faire un test grandeur nature. L’expérimentation a eu lieu le mardi 9 février 2021.

Techniquement pas si compliqué !

Huit caméras ont été nécessaires : six fixes et deux portatives. Aucun système de télésurveillance n’a été installé, aucun câble n’a été tiré. Afin d’avoir une vue d’ensemble, les caméras de trois ordinateurs portables couvraient la totalité de l’espace. Chacun d’eux était couplé avec un visualiseur (de type flexcam) pointé vers des endroits stratégiques de la pièce. Afin de permettre une diffusion en direct de leurs actions, les deux acteurs étaient équipés d’un smartphone fixé sur leur torse.

Flexcam relié à un ordinateur.
Description textuelle
Une caméra du dispositif.
Une flexcam est reliée à un ordinateur connecté lui-même à internet. Le tout est disposé sur le haut d’une armoire de la salle afin de fournir une vue large et plongeante de l’espace de jeu. L’ordinateur diffuse le canal vidéo sur le logiciel de visioconférence.

Tous les appareils étaient reliés à internet via le wifi de l’établissement et connectés à l’application de visioconférence Big Blue Button. Sur chaque ordinateur, deux fenêtres du navigateur permettaient de partager les images des deux caméras. Techniquement, rien d’extraordinaire, mais il est alors nécessaire de bien gérer les entrées et les sorties audio afin d’éviter les phénomènes d’écho que peut engendrer la multiplicité des sources.

Vue plongeante de la salle de jeu. L'application permet d'ajouter des marqueurs interactifs.
Description textuelle
Image 360¨de la salle diffusée aux joueurs.
Le lien de l’image 360° dynamique de la salle est communiquée aux joueurs.
On y voit une image plongeante de la salle. Des marqueurs sont positionnés sur l’image permettant ainsi de zoomer sur des endroits importants ou des indices.

Pour faciliter l’accès aux divers documents glanés au cours du jeu, un mur collaboratif était proposé en parallèle. De même, une photo panoramique à 360° permettait d’offrir la liberté de visiter virtuellement les lieux et d’observer quelques détails grâce à des pointeurs interactifs placés sur l’image.

Une équipe aux profils variés

Pour gérer la partie, il fallait un maître du jeu expérimenté connaissant tous les méandres du scénario. Mélanie Fenaert, professeure de SVT et chargée de mission e-formation à la Dane de l’académie de Versailles, correspondait parfaitement au profil. Son rôle était d’accueillir les joueurs, de leur rappeler les consignes, notamment les contraintes techniques, et de les plonger dans l’aventure. Durant le jeu, elle devait compléter le mur collaboratif au fur et à mesure des découvertes, et guider si besoin les participants en focalisant leur attention sur certains éléments.

Affichage des huit vidéos diffusées via l'outil de visioconférrence.
Description textuelle
Partage vidéo via l’outil de visioconfére
Dans le navigateur, les 8 images des caméras sont diffusées en direct par l’intermédiaire de l’application de visioconférence.

Les deux acteurs sur place devaient connaître les lieux et les énigmes, mais être capables de jouer la surprise et de ne pas trop aider les joueurs en ligne. Qui mieux qu’Audrey Dominique pouvait remplir ce rôle ? Elle était accompagnée de Patrice Nadam, formateur à la Dane de Créteil et initiateur de l’expérimentation.

Côté joueurs distants : cinq volontaires aux profils variés, tous adeptes des escape games et ne se connaissant pas pour la plupart. Leur effectif était volontairement réduit pour les besoins du test.

Un défi relevé

La collaboration fut au rendez-vous et la mission accomplie dans les temps ! Les retours témoignent de sensations identiques à celles vécues lors d’un « vrai » escape game en salle. Malgré le rôle primordial du game master, les ressources complémentaires en ligne ont été considérées comme un vrai plus dans la résolution des énigmes.

Aucun dysfonctionnement technique majeur n’est survenu : une seule participante a rencontré au cours du jeu des problèmes de désynchronisation, l’empêchant de suivre correctement en direct la partie.

Une joueuse a avoué avoir ressenti un peu le mal de mer à force de regarder les caméras embarquées.

Tous, joueurs et organisateurs, étaient satisfaits de ce qu’ils avaient vécu : une belle expérience !

Une hybridation transposable

L’utilisation accrue des visioconférences engendre le risque d’une généralisation de pratiques descendantes. En effet, il est difficile, lors d’un cours à distance, de mettre en activité l’apprenant en ligne et surtout de contrôler (voire d’évaluer) les actions exécutées. Favoriser l’interaction entre le groupe distant et le groupe en présence permet de maintenir la motivation et l’engagement.

Il est possible de créer des situations de collaboration sans pour autant proposer un escape game. Lors de l’expérimentation à Sucy-en-Brie, les conditions de mise en place de la forme hybride étaient assez extrêmes : de nombreux déplacements liés à la fouille, une multiplicité d’écrans pour avoir une vue globale des lieux, un stress temporel généré par le scénario, une déstabilisation engendrée par l’atmosphère et les énigmes...

On peut cependant aisément envisager de transposer le principe dans le cadre d’une activité plus classique. Par exemple, on peut, en sciences, proposer des séances de travaux pratiques synchrones à des équipes hybrides constituées de membres à distance et d’autres en classe, les premiers guidant les gestes des seconds. Ils peuvent également réaliser un travail complémentaire indispensable à l’avancée des manipulations. L’avantage ici de la distance est de nécessiter l’oralisation des gestes à faire. On peut envisager cependant d’utiliser un tableau blanc ou un mur collaboratif venant compléter les explications orales.

Collaboration, confrontation, complémentarité… Les situations et les contextes d’hybridations sont variés. Et pourquoi ne pas imaginer que l’enseignant puisse être guidé à distance par ses élèves ?

Deux autres séances de formation ont été mises en œuvre dans les semaines qui ont suivi avec dix, puis quinze participants. L’expérience est réellement immersive lorsque l’effectif reste réduit (5 joueurs au maximum) car cela permet une participation de tous. En comparaison du nombre de formateurs nécessaires (2 ou 3), le dispositif semble alors peu rentable. Le principe reste cependant intéressant et les transpositions moins gourmandes en effectif sont envisageables.