Patrice Nadam, professeur de sciences de la vie et de la Terre, formateur à la Dane de Créteil, a accepté de nous parler du jeu d’évasion pédagogique dont il est un fervent promoteur. Dans cette interview, il en présente le concept, la mise en œuvre et l’intérêt sur le plan pédagogique.
Patrice, pour commencer, peux-tu expliquer en quoi consiste un jeu d’évasion et, ensuite, quelle différence il y a entre un jeu d’évasion et un jeu sérieux ? On trouve à ce sujet, sur internet et sur les réseaux sociaux, beaucoup de termes en anglais, en français. Ces expressions caractérisent-elles un seul et même concept ? Des variantes existent-elles ?
Tout d’abord, un escape game, ou jeu d’évasion, est une expérience immersive grandeur nature qui se joue en équipe. L’objectif est d’accomplir en un temps limité une mission qui est, dans la plupart des scénarios, de s’échapper d’une pièce. Pour cela, les participants doivent, à plusieurs, collecter des indices et des objets, résoudre des énigmes, débloquer des mécanismes, ouvrir des cadenas, découvrir des pièces secrètes…
On trouve d’autres termes correspondant plus ou moins à cette définition : escape game, live escape game, escape room (qui définit plutôt l’espace de jeu), défi-évasion, jeu d’évasion réel...
Le jeu d’évasion est donc une activité ludique, un loisir. Il devient « sérieux » dès lors qu’il est utilisé à des fins d’apprentissages. On parlera alors de serious escape game ou de jeu d’évasion pédagogique ou encore, en mêlant langues française et anglaise, d’escape game pédagogique…
L’apprentissage par le jeu ? C’est cela que l’on appelle la ludification ? Cette notion de ludification ne vise-t-elle pas au fond à remettre en question l’opposition entre le jeu réputé frivole et l’apprentissage considéré comme sérieux ?
Sans entrer dans le débat sur le vocabulaire à utiliser (ludification, gamification, ludicisation…), il s’agit bien ici de détourner les principes du jeu à des fins pédagogiques. Créer ou mettre en place un serious escape game c’est réussir le difficile équilibre entre les éléments qui appartiennent purement au monde du jeu et ceux du domaine de l’apprentissage au sens strict. Tout est une question de dosage. Mais jouer ce n’est pas s’amuser. Dans un jeu, on retrouve des règles, des contraintes, une autorité-arbitre, des objectifs… Des termes utilisés dans le monde du travail.
Peux-tu nous donner un exemple concret de jeu d’évasion pour que l’on comprenne bien ?
Difficile d’expliquer en quelques mots tous les détails d’un jeu d’évasion.
Je vous propose de découvrir « La recette du Bonheur » réalisée avec quatre collègues de l’académie, Catherine Massicot, Aline Lemoine, Christophe Ansart et Yannick Choulet. C’est un jeu pédagogique de révision sur les incontournables en mathématiques et destiné aux élèves de cycle 3. Il s’agit d’un défi lancé par un chef cuisinier : retrouver en moins d’une heure les ingrédients et les quantités d’une recette mystère. Ustensiles de cuisine, tablier, fiches, revues sont dispersés sur plusieurs plans de travail. Même le four est là, représenté virtuellement sur l’écran de l’ordinateur.
Après une phase de fouille de la « cuisine », l’équipe formée d’une dizaine de joueurs doit résoudre une douzaine d’énigmes à dominante mathématique. Ils devront convertir des températures, comparer des masses (avec les moyens du bord), trouver le bon programme pour déplacer un robot, faire des calculs de fractions, retrouver les chiffres cachés, répondre à un quiz sur les unités et la géométrie, maîtriser le vocabulaire des grands nombres, etc.
Une fois tous les ingrédients obtenus, le four peut être préchauffé et le formulaire correspondant à la recette complété. Si tout est bon, les joueurs recevront les félicitations du chef et pourront déguster le gâteau apporté par l’enseignant.